
L’office statistique de la commission européenne, Eurostat vient à point d’actualiser ses projections. Celles-ci indiquent la part de son PIB que chaque pays de l’Union consacre et devra consacrer au financement des pensions d’ici à 2060, pour faire face au surcoût dû au choc démographique. 

La France y apparaît en position très favorable. C’est un des pays où le papy-boom sera le moins onéreux. Le surcoût n’y dépassera pas un dixième de point de PIB d’ici à 2025 ; et il atteindra un point à son apogée, en 2035, avant de diminuer progressivement jusqu’en 2060.

Certes, la France est le pays d’Europe où le poids des retraites dans le PIB est aujourd’hui le plus lourd : 13,5% du PIB. Cette caractéristique n’est pas récente. Le coût des pensions atteignait déjà 13,5% du PIB français en 1996.
Cette générosité garantit des revenus décents à la plupart des retraités, de sorte que le taux de pauvreté des personnes âgées est en France un des plus bas du monde.

Mais cela ne semble pas devoir durer. Le faible impact du papy-boom sur les futures dépenses de retraites reflète les effets de la réforme engagée durant l’été 1993 par le gouvernement Balladur. Ses principales dispositions, qui réduisent drastiquement le niveau des pensions, sont loin
d’avoir produit tous leurs effets. D’ici à 2030, le taux de remplacement du dernier salaire par la pension de retraite chutera de 62,3% aujourd’hui en moyenne à 52,9%. Cela correspond à un revenu amputé de 16%, contre 7% en moyenne dans les pays de l’OCDE, comme le rappelle un tout récent document de travail du FMI.

Pourquoi, dans ces conditions, le gouvernement veut-il à tout prix imposer sa réforme ? Il cherche sans aucun doute à réduire le déficit public en comprimant la dépense, alors que le déficit s’est creusé sous l’effet de la crise, par contraction des recettes . Le 3 mai dernier, sur France 2, Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, avait tranquillement justifié l’argument de la peur et l’opportunité à saisir :
« Il y a un sondage qui montre que 75% des Français craignent qu’un jour, la situation de la France rejoigne la situation de la Grèce. C’est
peu plausible, parce que la situation de la Grèce est très particulière. Mais cela montre qu’il y a une inquiétude et que donc, les responsables politiques doivent saisir cette opportunité pour dire aux Français : ben voilà, donc si on veut éviter cette situation il faut qu’on fasse des efforts, tous. »

« Tous » ? Pas tout à fait, puisque le bouclier fiscal demeure, et surtout l’amendement Copé, qui exonère les cessions de filiales d’impôt sur les plus values, et vient de coûter à l’Etat 20,5 milliards d’euros en deux ans. Si l’on cherche vraiment à réduire le déficit public, peut-être pourrait-on commencer par abroger les plus injustifiables baisses d’impôts.
Le gouvernement sait bien pourquoi il veut d’abord réduire la dépense publique. Il espère ainsi augmenter la dépense privée - et les profits qui vont avec. En matière de retraites, la voie fut tracée il y a belle lurette. Dès 1993, un homme définit la stratégie, qu’il, expliqua ainsi :
« L’encourage
« Les fonds d’épargne-retraite auront toujours en France un rôle marginal et complémentaire. C’est uniquement si l’on pose ce principe que l’on aboutira à obtenir du législateur et des partenaires sociaux l’incitation à de vrais régimes de capitalisation favorisant l’épargne longue et les fonds propres des entreprises. »
Cet homme était Raymond Soubie. Il dirigeait alors un lobbying d’assureurs. Il est aujourd’hui conseiller de Nicolas Sarkozy pour les affaires sociales et, de toute évidence, il n’a pas perdu la main.